Qui traduit au Maghreb ?



Qui traduit au Maghreb ?

Par Anne-Kristin Fischer

Traduction de Anne Bertrand

A l'instar du continent africain, le royaume marocain est un pays du plurilinguisme. On peut même dire que les marocains sont des génies de la langue au quotidien. Cela tient en partie au fait que le Maroc est toujours inscrit sur la liste des pays en voie de développement. Dans leur espoir d'accéder à plus de prospérité, les yeux des marocains se tournent avant tout vers l'Europe. Or, on n'y parle pas l'arabe, et encore moins le dialecte arabe, le darija. Qui veut partir pour l'Europe doit maîtriser le français, l'anglais, l'espagnol, l'italien ou l'allemand. Nombre de marocains travaillent des décennies en territoire européen, et, de retour au pays, apportent avec eux leurs connaissances linguistiques. Voilà pourquoi le plurilinguisme est tellement répandu dans ce pays. En outre, à la télévision, on entend et on parle surtout l'arabe littéraire ; dans les rues de Casablanca, le darija ; dans les villages berbères et la région montagneuse de l'Atlas, le tamazight ; et bien souvent dans la vie professionnelle, le français. Et ce, sans que des locuteurs francophones ne soient nécessairement présents. Le protectorat français appartient politiquement au passé, mais il survit dans la société. Je ne parle pas forcément ici des nombreux français toujours domiciliés au Maroc, ou qui s'y sont installés récemment en raison de la crise économique. Le français est, et reste, la langue numéro 1 dans les domaines du commerce et de l'économie. Il est la marque du succès économique et du progrès. Dans les cercles de la haute société marocaine, le français est un signe de prestige, car celui qui souhaite réussir se doit de parler français.

Que signifie tout ceci pour les traducteurs locaux ? Les langues principales du Maroc sont donc l'arabe et le français. "Arabe" représente ici aussi bien l'arabe littéraire, enseigné à l'école, parlé à la télévision et dans les tribunaux, que le dialecte marocain darija, employé par les gens dans la rue et les situations de la vie courante. Il est parlé, mais non écrit, et diffère sensiblement de l'arabe littéraire. Bien qu'il soit incontournable dans la vie quotidienne et professionnelle, de par son caractère officieux, il ne joue aucun rôle dans l'industrie de la traduction. La langue française en revanche, comme précédemment évoqué, joue toujours un rôle prépondérant en tant que langue des échanges, du commerce et de l'économie, quelques 60 ans après la fin du protectorat. Dans le nord, on parle souvent l'espagnol.

Le paysage de la traduction reflète la situation des langues au Maroc. La plupart des traducteurs

travaillent en arabe, anglais et français. Les traductions concernent avant tout des documents juridiques - contrats et certificats – et sont réalisées par des traducteurs assermentés. Les traducteurs freelance travaillant par exemple dans le domaine du marketing, et traduisant dans d'autres langues, sont beaucoup plus rares. Ici, les langues importantes sont avant tout le chinois, l'italien, l'allemand et l'espagnol. Dans chaque grande ville, une poignée d'agences proposent leurs services. L'année 2011 a vu apparaître une nouvelle tendance dans le paysage des langues et de la traduction : la langue berbère tamazight a été élevée au rang de langue officielle du pays. Depuis lors, la correspondance de nombreuses institutions ainsi que les papiers officiels sont présentés en trois langues : l'arabe littéraire, le français et le tamazight.

Qui veut faire des affaires au Maroc est bien armé s'il possède de solides connaissances en français. En revanche, les embûches se trouvent dans les petits détails. Les particularités culturelles sont les principales sources de malentendu. Par exemple, le fait d'être tutoyé lors d'une négociation commerciale ne doit pas vous étonner, et ne signifie en aucun cas que votre interlocuteur vous déprécie. La raison en est que le dialecte marocain ne connaît pas le vouvoiement...

Tout est clair ?
Alors bienvenue dans la Babylone des temps modernes:


Manifestations à l'occasion de la première proposition de loi pour l'ancrage officiel de la langue berbère tamazight dans l'éducation, la santé et le droit marocains. Source : "La vie éco, Amazigh : les propositions de loi arrivent", 12.11.2012
 La vie éco, "Amazigh : les propositions de loi arrivent“
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Article pour TranslatorsVillage
par Anne-Kristin Fischer
Translatos, Casablanca, Maroc

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